Une bonne bande dessinée!
Article en relation avec celui consacré aux bonnes.
Le personnage de bande dessinée Bécassine fut créé en 1905 dans « La semaine de Suzette », un magazine paraissant chaque samedi pour les petites filles de famille aisées.
C’est le peintre Émile Joseph Porphyre Pinchon qui crée le personnage tandis que les textes, seront principalement rédigés par Maurice Languereau sous le pseudonyme de Caumery.
Devant la popularité de la petite bonne, des albums complets vont être édités.Chaque planche fait une page et raconte une histoire complète, vingt-cinq albums paraîtront entre 1913 et 1939 ils totaliseront 1 200 000 exemplaires vendus…un succès d’édition très rare à l’époque.
Après la mort de son auteur et de son dessinateur en 1941 et 1959 Bécassine gardera une place dans La semaine de Suzette jusqu’en 1959.
Une nouvelle gang éditera un nouvel album en 1992 avec des graphismes modernisés Bécassine au studio.
L’héroïne de cette bande dessinée est une jeune fille Bretonne qui, cherchant un emploi à Paris, elle est engagée comme bonne d’enfant dans la famille bourgeoise «la marquise de Grand’Air ».
Bien que son statut socio-professionnel évolue au fil des albums, Bécassine se caractérise par une dévotion extrème pour ne pas dire aveugle à ses tâches et à sa maîtresse.
Ascension sociale d’une bonne
De bonne d’enfant, son rôle évoluera jusqu’à celui de gouvernante et même conseillère de sa maîtresse (on dirait coach de vie aujourd’hui), elle finira même par partager la table de sa maîtresse dans « Bécassine fait du tourisme »… Toute une ascension sociale !!
Becassine personnage symptomatique
La Bécassine des premiers albums et une naïve doublée d’une sotte ignorante.
Les effets comiques, moqueurs et moralisateurs de ces planches reposent sur trois constantes :
- Elle parle mal français – elle prend les expressions au pied de la lettre.
- Elle confond les mots ce qui crée des quiproquos,
- Elle méconnaît les « bons usages sociaux » et ignore l’évolution technologique des électros du confort moderne
Ces traits de caractère aident les enfants à s’identifier à la petite femme de ménage bonne à tout faire découvrant eux même le monde.
C’est tout un siècle d’invention et d’évolution technologiques et de repères sociaux qui vont être passés au crible par les auteurs via le regard de Bécassine qui dans sa naïveté exprime
L’automobile, l’aéroplane, l’entre-deux guerre, la thalasso (les bains de mer), le scoutisme sont autant de découvertes techniques et sociales que la petite bonne bretonne vit avec stupeur et innocence.
Un personnage qui fini par déranger
L’émigration bretonne est particulièrement importante dans les premières années du XXe siècle et nombreuses sont les jeunes filles qui se placent comme domestiques, femme de ménage, bonnes à tout faire dans la capitale française.
La croyance populaire de l’époque pense que la société bretonne conserve les valeurs d’ordre, d’obéissance et de piété, qu’elle est à l’abri de l’influence maléfique de la modernité galopante de par l’isolement géographique ( Brest, Rennes, Laval imposait un très long voyage pour se rendre à Paris ) et sa langue régionale.
L’analogie pourrait être faite avec la société québécoise des années 60 encore sous la houlette des religieux Les aventures de la petite Bretonne démontrent, à ce propos, une vision très conservatrice d’une société, marquée par le respect des valeurs et de la hiérarchie sociale.
Dans les années 70 la contestation politique s’emparera du personnage montrant qu’elle stigmatise une société qui glorifie une sorte de xénophobie régionaliste à la limite du racisme à l’instar d’autres figures publicitaires comme l’image véhiculée de l’africain colonisé portant chéchia de la célèbre publicité « Ya’bon Banania »
On ira jusqu’à interpréter l’absence de bouche de Bécassine comme un moyen de l’empêcher de s’exprimer donc de contester quoi que ce soit…
Brassens réhabilite la gentille bretonne
Georges Brassens retourne le stéréotype
- « Un champ de blé prenait racine,
- Sous la coiffe de Bécassine,
- Ceux qui cherchaient la toison d’or,
- Ailleurs avaient bigrement tort… »).
Tandis que Chantal Goya, dans la comédie musicale « Bécassine, c’est ma cousine … » rapproche le personnage de son public visé d’origine en visant les tous petits enfants.
Un siècle après sa création, le personnage de la Bretonne naïve est présent sur internet, dans les sites de collectionneurs, à travers un ensemble de productions éditoriales ou audio-visuelles à destination des enfants ou sous la forme de produits marchands.
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